VALIDÉ : Une plongée made in France dans le monde du Rap
- Agathe
- 8 juil. 2020
- 6 min de lecture
Validé, la dernière création originale de Canal + a été LA série événement du confinement.
Ses 10 épisodes, créés par Franck Gastambide (à qui l'on doit les catastrophiques Taxi 5 et Pattaya), abordent un thème rarement mis en images en France : le monde du rap.
Le pitch de base est simple : Clément aka Apash, un jeune rappeur talentueux qui deale pour subvenir aux besoins de sa famille, se retrouve du jour au lendemain "validé" par une des stars du milieu. Soutenu par son cousin et son meilleur ami, Clément va vite découvrir que les alliances peuvent se transformer en rivalités et que son entrée dans le game est loin d'être gagnée...
Pas particulièrement attirée par la thématique, et ayant déjà une longue liste de séries en attente, je n'étais pas partie pour la découvrir. Mais après insistance répétée de mon entourage, je me suis lancée et me suis aussitôt retrouvée totalement happée par l'histoire.

Alors malgré ce que le titre de la série affirme : on valide ou pas ?
Un casting assez fou
La première chose qu'on peut admirer dans cette série, c'est son casting digne du grand écran, qui n'est pas sans nous rappeler la marque de fabrique de Dix pour Cent.
Bye-bye les acteurs, bonjour les rappeurs ! Les caméos s'enchainent au fil des épisodes, et nous donnent à voir des grandes figures françaises du rap : de Lacrim à Ninho, Soprano à Kool Shen, Gringe à Cut Killer, Moussa Mansaly ou encore Busta Flex et S.pri Noir.
Rien ne vaut de voir les "vrais" interprétant leurs propres rôles pour envoyer des paillettes dans la vie des téléspectateurs !

Validé a même poussé le concept plus loin puisqu'elle donne également à voir d'autres vraies figures du milieu. Aux côtés de Clément, les téléspectateurs vont ainsi à la rencontre des médias : interview en direct avec un animateur du Mouv mais aussi performance live dans "Planète Rap", l'émission incontournable de Skyrock. On aperçoit aussi Chris Macari, le réalisateur des clips de Booba et des humoristes qui poussent la chansonnette tels que Mister V et Camille Lellouche.
Mais l'audace de Validé va au-delà des caméos puisque le rôle de Clément, notre héros, a aussi été confié à un jeune rappeur : Hatik. Difficile de croire d'ailleurs que c'est la première fois qu'il s'essaie devant les caméras tant son interprétation est bouleversante !
Hatik crève tout simplement l'écran. On est tout de suite emballé par sa gueule d'ange, son énergie et les émotions qu'il transmet dans une sincérité déconcertante. À la différence de certains personnages, aussi joués par des comédiens non professionnels, avec Hatik on ne sent jamais le jeu, la comédie. Un pari osé mais qu'on valide à 1000 % !

Une plongée dans l'industrie du Rap
Au fil des épisodes, Validé nous propose de découvrir le récit initiatique de Clément, jeune rappeur alors inconnu au bataillon et qui fait pourtant son entrée par la grande porte dans le monde du rap.
À travers son regard et son expérience, on accède ainsi aux coulisses de l'industrie du rap français. Négociation de contrats avec les maisons de disques, enregistrement de l'album, tournage de clip, showcase, organisation de tournée, promotion à la radio et sur les plateaux télé, soirées VIP : toutes les étapes cruciales du début de carrière d'un jeune artiste sont au rendez-vous.

Tout comme dans Dix pour Cent, ce qui suscite la curiosité dans Validé, c'est de découvrir les ficelles habituellement invisibles du métier d'artiste et de ses collaborateurs. Dans la même veine, la série Platane, créée par Eric Judor, dévoile l'envers du décor de la production d'un film, dans un registre cette fois-ci totalement absurde et grotesque.
Une pépite !
Il est clair que l'un des points forts de Validé est de savoir comment nous embarquer dans la production de rap, pour nous permettre d'en saisir ses multiples rouages et problématiques. Un choix judicieux qu'on valide sans hésiter !
Les difficultés du rap game
Les aventures de Clément aka Apash, ponctuées de victoires et de défaites, nous permettent de découvrir à quel point il peut être compliqué de faire partie du rap game.
Dans ce monde très codifié, aux stratégies médiatiques étudiées et où la rivalité et la jalousie peuvent faire des ravages,Validé nous montre aussi que pour percer et s'imposer en tant que rappeur, le talent ne suffit pas...

Dans ce monde l'apparence règne en maitre. Il faut faire un clip percutant et novateur pour marquer les esprits et attirer l'attention, il faut répondre cash quand un autre artiste t'envoie une pique... C'est ce qu'on appelle la "street credibility". En clair il faut avoir du cran et un bon bagou !
Dans notre ère numérique, avec une jeune génération ultra connectée, les réseaux sociaux n'ont jamais autant pré-dominés dans les stratégies de com des rappeurs, qui ont bien compris comment en faire bon usage et faire ainsi parler d'eux. À ce titre Hatik reconnait lui-même, dans une interview Konbini, qu'il vaut mieux un bad buzz que pas de buzz du tout.

Après le public vient le monde des artistes, et l'importance des alliances et des rivalités.
On pense tous à Kaaris et Booba, qui sont passés d'amis à ennemis, et qui font encore parler d'eux en organisant une rencontre sur le ring pour se taper dessus, et ce pour le plus grand bonheur de leurs fans !
Si comme dans la série un rappeur bien installé te prend en grippe, il est facile pour lui de monter son public contre toi et ta carrière peut très vite tomber au point mort... Il y a vraiment une notion de clans dans le monde du rap, que ce soit chez les artistes ou même leurs fans.
On peut se demander si ces petites querelles ne sont pas intensifiées intentionnellement par les rappeurs pour gagner en visibilité. Il règne cependant une compétition féroce et des egos qu'il ne vaut mieux pas trop chatouiller.

L'entourage des rappeurs peut également s'avérer amer ou opportuniste face à la réussite soudaine d'un des leurs. Entre les copains restés en banlieue et cette nouvelle vie plus fastueuse, il est parfois difficile de trouver un équilibre. Trop voyou pour l'industrie musicale et les soirées parisiennes, trop snob pour les potos du quartier : la solitude les guette et trouver sa place devient difficile. Conséquence directe ? La plupart des rappeurs qui réussissent finissent par déménager et quitter leur quartier d'origine.
Validé est une série sur la musique, certes, mais c'est aussi une série sur les quartiers, et la difficulté d'assumer sa réussite lorsque l'on vient d'un environnement qui la connait malheureusement que trop peu... Cela illustre une facette omniprésente dans le rap : la rue. S'il y a autant de textes qui parlent de la vie de banlieue, de drogue, des violences policières ou de séjours en prison, c'est avant tout parce que la plupart des artistes qui percent dans le rap ont été forgés par cette expérience de la street.

Ainsi pour percer dans le rap, il ne suffit pas d’avoir du talent et un peu de chance pour se faire repérer. Il faut être accepté par les maisons de disques d'abord, par les médias et par les fans ensuite, mais aussi par les grands du quartier et les autres rappeurs qui peuvent vite devenir hostiles. Tout repose ainsi sur le fait d'être « validé » par tous.
Un peu too much quand-même
Validé propose une plongée intense et mouvementée dans le monde du rap.
À la fois légère dans l'humour apporté par certains personnages (comme Brahim le cousin de Clément) et dure dans les multiples formes de violence qu'elle dénonce, cette série se veut surtout réaliste.
En cela, on sent l'influence certaine de Gomorra dans le scénario et l'esthétique de Validé. Cette série noire italienne, plus que réussie, traite de la mafia à Naples. Outre le caméo d'un de ses acteurs et les posters de la série accrochés en arrière plan dans la chambre de Clément, on sent que son ambiance thriller, sa représentation de la rue, des alliances et des trahisons, du monde de la drogue et de ses violences ont été injectées dans Validé.

Certains disent pourtant que Validé est une série clichée : je ne me permettrais pas d'en juger, alors que je ne sais pas du tout ce que c'est que de grandir et de vivre en banlieue. En revanche, ce qui peut être reproché à Validé c'est cette sensation de trop plein, d'abondance de rebondissements en tout genre, qui s'enchainent sans nous accorder le moindre répit.
" Tout tourne mal " n'a jamais autant pris son sens que dans cette série, dans laquelle Clément et ses proches enchainent les mauvaises surprises et coups bas. Même si de nombreuses situations sont réalistes, ce récit en ressort un peu "trop gros pour être vrai".

Frank Gastambide avait clairement envie d'évoquer beaucoup de sujets et d'aspects différents du monde du rap et de la rue. Mais à force de vouloir parler de tout, on peut se retrouver plongé dans un enchainement de péripéties dont les résolutions sont aussi rapides que leurs apparitions. Pourtant, cela aurait été bénéfique de prendre son temps, d'avoir des moments de respiration pour prendre du recul et encore mieux apprécier l'ensemble...
Et surtout, en multipliant les intrigues et rebondissements, la musique est finalement vite reléguée au second plan, à notre grand regret...
Les trop rares scènes de rap sont pourtant tellement réussies et vibrantes !
Mais pour un premier essai de série, le pari est largement gagné. ON VALIDE !
Comme une deuxième saison a déjà été confirmée, au vu de son franc succès auprès du public, on peut espérer que son créateur ralentira un peu le rythme et nous offrira davantage de sons pour satisfaire nos petites oreilles. On a hâte !

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