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UNORTHODOX : Un sublime vent d'espoir

  • Agathe
  • 21 mai 2020
  • 7 min de lecture

Ça y est : des semaines après sa sortie, j'ai ENFIN découvert Unorthodox, la dernière pépite Netflix, qui se range directement au rang d'énorme coup de coeur !!


Cette minisérie allemande de 4 épisodes a été créée par Alexandra Karolinski et Anna Winger, à laquelle on doit notamment Deutschland 83.

Mais la personne qui se cache derrière cette histoire c'est surtout Deborah Feldman, dont les mémoires - Unorthodox: The Scandalous Rejection of My Hasidic Roots - ont été adaptées à l'écran à travers cette minisérie coup de poing.


À dix-neuf ans, Esty, issue d'une famille juive ultra-orthodoxe de Brooklyn, décide de fuir sa communauté un an après son mariage arrangé avec Yanky Shapiro. Elle part dans le plus grand secret pour Berlin, dans l'espoir de se réinventer une nouvelle vie : celle d'une femme libre d'être ce qu'elle veut.


J'avais eu une véritable révélation avec la série Israélienne Our Boys, qui présentait le judaïsme ultra-orthodoxe du point de vue des hommes. Unorthodox nous propose aujourd'hui, et ce pour la première fois dans l'histoire des séries, de découvrir cette communauté mystérieuse à travers le prisme des femmes. Un chef d'oeuvre puissant !



Une plongée au coeur d'une communauté méconnue


Le Judaïsme, comme toutes les autres religions, possède différents courants, différentes interprétations des textes, et donc diverses façons pour ses adeptes de vivre cette religion au quotidien. Dans Unorthodox, on découvre la communauté hassidique de Satmar, qui vit dans le quartier de Williamsburg, au coeur de Brooklyn.


Fondée après la Seconde Guerre Mondiale par des survivants de la Shoah, originaires de Hongrie, cette communauté qui est une des dernières à encore parler Yiddish, est régie par des règles très strictes.


Traumatisés par la disparition de leurs proches, les Satmar se sont réfugiés d'autant plus intensément dans leurs traditions et se sont fixés comme mission de repeupler la communauté juive, pour combler la perte des 6 millions de juifs au cours de cet holocauste violent et meurtrier.



Ainsi, la consécration ultime de leurs membres est de donner naissance à un maximum d'enfants, exerçant ainsi une pression sociale et familiale sur les nouveaux mariés, dont on attend qu'ils fassent leur part, et le plus vite possible. Les femmes se retrouvent dédiées à l'entretien du foyer et à la reproduction, tandis que les hommes se consacrent au travail et à la lecture de la Torah.


Ils sacralisent un mode de vie qui doit se rapprocher le plus possible de celui pratiqué au 18ème siècle. Basés au coeur d'un des quartiers les plus branchés de New-York aujourd'hui, les juifs ultra-orthodoxes évoluent paradoxalement dans une atmosphère sectaire et poussiéreuse. Hors du temps, ses membres semblent venir d'un temps révolu et ancien, et errer dans les rues grouillantes de Williamsburg tels des fantômes du passé.



Coupés au maximum du monde extérieur et de sa modernité, on pourrait facilement les comparer aux Amishs ou aux Mormons, au mode de vie assez similaire.

Ils n'ont pas le droit d'avoir de smartphone, d'aller sur internet ou de faire du sport. Ils sont aussi privés d'accès aux arts et à la culture.


Quant à la rencontre amoureuse, n'allez pas croire qu'elle se fait autour d'une bonne bouffe entre amis ou au détour d'une danse endiablée en boîte de nuit. Pas question d'amour d'ailleurs : il est arrangé par des agents matrimoniaux qui choisissent pour la jeune femme son futur mari. On ne leur demande tout simplement pas leur avis.



Plongés au coeur de leur quotidien, les téléspectateurs découvrent ainsi au fil des épisodes les traditions de cette communauté à travers des temps forts de leurs vies. Extrêmement protocolaires et cérémonieux, on assiste ainsi à des rites de passage tel que le mariage, le mikvah (bain rituel) ou encore les séances de conseil pour la future épouse, où on lui explique "comment on fait les bébés".


Les sentiments qui découlent de ces scènes sont particulièrement ambigus. On se retrouve ainsi tour à tour fasciné et épouvanté par leurs coutumes, basculant de moments magnifiques et émouvants à des scènes horriblement violentes et révoltantes. Ces émotions contraires ressenties par les spectateurs font justement toute la force de cette série.



En effet, dans Unorthodox, ce n'est pas tout noir ou tout blanc : même si elle dénonce de nombreux aspects du mode de vie de cette communauté, en particulier la condition des femmes, elle ne porte pas un jugement négatif ou critique sur leur religion. Cette série n'a pas pour vocation d'établir ce qu'est une bonne ou une mauvaise façon de vivre sa vie, mais souhaite montrer que chacun devrait en revanche avoir le droit de la mener comme il l'entend et de vivre sa religion comme il le souhaite, sans carcans et sans contraintes.


Être une femme chez les Juifs Ultra-Orthodoxes


Même si les hommes et les femmes de cette communauté partagent de nombreuses règles et restrictions communes, il en est certaines - relevant surtout de l'interdiction - qui ne sont valables que pour le sexe faible.



Ainsi les femmes n'ont pas le droit de chanter en public et ne peuvent jouer d'un instrument de musique. Elles ne sont pas non plus autorisées à chanter des prières, à aller à la synagogue ou à lire certains textes religieux tels que le Talmud : tout ceci est réservé à la gente masculine.


Les femmes sont également privées de pouvoir décisionnaire en ce qui concerne leur corps. Une fois mariée, la femme doit se faire raser la tête à blanc, et sera obligée pour le reste de sa vie de porter des perruques, et des foulards pour certaines occasions importantes.

De plus, elle doit procéder régulièrement à des bains de purification, où tout son corps sera examiné au peigne fin par d'autres femmes, pour en vérifier la propreté. Et si les jeunes femmes ont envie d'être coquette ? Pas question de porter de rouge à lèvres non plus.



Mais la plus grande emprise sur le corps de la femme reste liée à sa condition d'épouse et de mère. Alors que l'avortement est bien-entendu interdit, on attend au contraire de nombreuses procréations. Son existence, à l'image de son corps, est toute tracée et formatée pour répondre à ce qu'on attend d'elle : s'occuper de son foyer, de son mari, ne pas être un objet de désir ou de tentation pour quiconque, et surtout devenir mère.


Le plus cruel dans tout cela, c'est que les femmes ne sont pas solidaires les unes des autres face à leur condition de vie si privative et difficile. En effet Deborah Feldman - dont l'autobiographie est à l'origine de cette série - explique que les femmes ne parlent pas entre elles de ces choses-là. " Même si elles ressentent ce mal-être, elles ne le confiraient à personne. Elles auraient trop peur que cela soit répété. Il n'y a pas de réelle amitié dans cette communauté. Il faut toujours faire semblant ".


La sexualité : un tabou dramatique


La sexualité est une question très sensible pour les juifs ultra-orthodoxes.



Totalement taboue il est interdit d'en parler, ou de s'instruire à ce propos (en dehors de la petite présentation froide par la conseillère avant le mariage). Etant coupés du monde, pas de recherches internet possibles ou même un simple livre de sciences pour se préparer.


Les jeunes couples se retrouvent ainsi mariés sans rien savoir de l'amour, du sexe ou du désir. Il est d'ailleurs interdit dans les communautés les plus rigoristes que la femme puisse éprouver du plaisir en faisant l'amour. L'acte sexuel est de toute façon uniquement dédié à la procréation : pas question d'avoir des rapports sexuels pour le plaisir ou pour le fun. Il est également interdit d'être homosexuel, sous peine d'être rejeté par sa propre famille et banni de toute sa communauté.



Tous ces interdits, cette méconnaissance et ces non-dits mènent ainsi les juifs ultra-orthodoxes à de fortes frustrations et des répercussions dramatiques tels que la pédophilie au sein des familles et des Yeshivah (centres d'études de la Thorah réservés aux garçons/hommes) et de grands traumatismes psychologiques.

Tout cette question a été très intelligemment développée dans le documentaire M, réalisé par Yolande Zauberman, dont j'ai déjà parlé dans mon article sur la série Our Boys.

Cela y est en revanche uniquement développé du point de vue des hommes.


Unorthodox, qui est certes fictionnelle, délivre quant à elle avec justesse la place des femmes face à cette question. La procréation repose d'ailleurs entièrement sur elles ; s'il y a le moindre problème, cela est forcément de leur faute.



Le sexe a beau être un sujet tabou, tout le monde sera paradoxalement au courant si l'une d'elles a des problèmes pour faire l'amour ou tomber enceinte. La femme est alors jugée dysfonctionnelle et devient mal vue de tous, au lieu d'être réellement épaulée et encouragée. Tout passe par le jugement et la menace, sans qu'aucune bienveillance soit de mise. Cette pression sociale et familiale, aussi lourde qu'omniprésente, n'aide forcément pas les jeunes femmes à accomplir leur mission...


Etsy, l'incarnation d'un espoir


Mais face au mode de vie des juifs ultra-orthodoxes, il demeure encore de l'espoir. Et il est incarné par Etsy, qui décide de quitter Williamsburg pour découvrir la liberté, loin du carcan communautaire sclérosant et étouffant.


Fraîchement arrivée en Allemagne, Esty doit alors tout apprendre : aller à la rencontre de l'autre, celui qui ne fait pas partie de sa communauté, à tisser des liens et à faire confiance.



Elle découvrira qu'elle peut s'émanciper de certaines règles et croyances imposées par sa communauté religieuse, finalement absurdes et désuètes : Non, manger du jambon ne va pas la rendre malade, et non, aller en boîte de nuit ne va pas la tuer.


Cet apprentissage de son nouveau "moi" passe aussi par la question du corps, si importante dans leurs croyances et leurs moeurs. De la découverte du choix vestimentaire au pouvoir de dévoiler davantage sa chair ou d'abandonner sa perruque sont autant de grands pas que de prises de position sur la femme qu'elle souhaite devenir.


Etsy va en effet devoir déterminer qui elle est : qui elle souhaite devenir tout en acceptant le regard des autres et en assumant son histoire.



Berlin comme lieu de renouveau pour Esty porte aussi un symbole historique fort. Cette jeune femme juive a décidé de repartir à zéro là où tout a commencé pour sa communauté : là où le terrible génocide qui a décimé leurs aïeux a démarré.


Dans sa quête d’émancipation, qui ne sera pas sans obstacles, elle aura aussi la chance de remonter le fil de sa propre histoire familiale et pourquoi pas d'y trouver une forme de réconciliation et de paix ?


Interprétée par Shira Haas, Esty crève l'écran pour nous atteindre en plein coeur. Le moindre de ses regards ou de ses expressions nous communiquent ses émotions et nous submergent nous aussi, comme si nous vivions les choses avec elle.



Son personnage est un vrai symbole d'espoir, d'émancipation et de courage, d'autant plus lorsque l'on sait que c'est l'histoire de Deborah Feldman, mais aussi de beaucoup d'autres femmes et hommes issues de communautés hassidiques ultra-orthodoxes.


Emouvante, vraiment difficile parfois, mais profondément bouleversante et engagée, cette oeuvre nous fait découvrir le destin d'une jeune femme en quête de liberté. Si vous ne l'avez pas encore vue, je vous conseille vivement de vous y mettre ! Vous ne le regretterez pas !


(Disponible sur Netflix)

 
 
 

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