ZERO ZERO ZERO : Mes 7 bonnes raisons de découvrir cette série !
- Agathe
- 12 avr. 2020
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 18 avr. 2020
Après une plongée vertigineuse au coeur de la mafia de Naples dans Gomorra, voici la nouvelle série de Stefano Sollima !
Disponible depuis quelques semaines sur Canal +, ZeroZeroZero vous propose d'entrer, durant huit épisodes, dans l'organisation et le fonctionnement du trafic de cocaïne à l'échelle internationale.
La série suit en effet le voyage troublé d'une importante cargaison de cocaïne en partance de Monterrey, au Mexique, pour Gioia Tauro, en Italie.
Les fabricants sont les frères Leyra. Ils sont épaulés par Manuel Contreras et son groupe de soldats corrompus, qui assurent la protection de leurs différentes activités criminelles.
L'acheteur est le patriarche Don Minu La Piana, grand patron d'une mafia calabraise, dont la position est contestée par son petit-fils Stefano.
Enfin, les courtiers en charge de l'expédition sont Edward, Emma et Chris Lynwood, une famille de la Nouvelle-Orléans qui possède une prestigieuse compagnie maritime, qu'ils mettent au service des livraisons de cocaïne.
Mais des luttes intestines au sein de la communauté mafieuse italienne vont directement impacter l'acheminement de la cargaison et auront des conséquences dramatiques pour toutes les parties intéressées...
Une belle promesse ! Et voici 7 bonnes raisons de vous lancer dans son binge-watching !

Number 1 : Une création ultra documentée
Ce qui fait la richesse des deux séries de Stefano Sollima, que ce soit Gomorra ou ZeroZeroZero, c'est qu'elles se basent sur des ouvrages de Roberto Saviano.
Ce journaliste et écrivain italien a publié différents romans et articles afin de décrire et de dénoncer le milieu de la mafia et du trafic de drogue.
Son livre Gomorra, sorti en 2006, et sur lequel Stefano Sollimo s'est justement appuyé pour réaliser la série du même nom, a totalement mis à nu le milieu de la Camorra, à Naples.
Suite à son énorme succès en Italie et dans le monde entier, et afin d'éviter les représailles de la mafia, Roberto Saviano est aujourd'hui contraint de vivre caché, sous protection policière permanente. Il a en effet reçu de nombreuses menaces de mort.
Considéré comme un héros par beaucoup d'Italiens, ses écrits ont offert une description riche et méticuleuse ainsi qu'une réelle analyse critique de ces milieux souvent secrets et impénétrables.

Et c'est justement d'un autre de ses ouvrages, nommé Extra pure : Voyage dans l'économie de la cocaïne (ZeroZeroZero : Viaggio nell'inferno della coca en italien) que s'est nourri Stefano Sollima pour créer sa nouvelle série dont je vous parle justement aujourd'hui.
Plus proche du reportage, du récit journalistique que du roman au sens où nous le connaissons, Stefano Sollima se base donc sur le témoignage direct de Roberto Saviano pour réaliser ses séries. Grâce à l'analyse et la description poussées de l'auteur, qui ont nécessité des années de recherche, notre réalisateur peut ainsi créer une oeuvre fictionnelle empreinte d'un réalisme et d'une véracité rares pour représenter ces milieux.

Number 2 : Une esthétique travaillée
Un des grands atouts de cette série est en effet son esthétisme.
Chaque scène, chaque plan semble avoir été pensé pour offrir au spectateur le meilleur angle, la meilleure lumière, le meilleur décor pour mieux embrasser ses personnages.
Tout d'abord, les décors naturels sont majestueux et parfaitement bien filmés : les montagnes italiennes, l'Océan Atlantique à perte de vue, les déserts Africains, les zones portuaires au Maroc, le grouillement de vie des rues du Sénégal... On accède à des paysages magnifiés aux quatre coins du monde.

Mais le plus intéressant dans ZeroZeroZero est que l'esthétisme nous raconte aussi une histoire. En effet, elle s'adapte pour retranscrire le caractère propre, comportement et psychologie, de chacun des personnages, à travers des lumières, des tonalités et des atmosphères différentes.
Alors que les mafieux d'Italie et leur environnement sont représentés de manière assez neutre et naturelle, il n'en est pas de même pour les personnages mexicains et américains qui sont plus travaillés, oscillant entre le très chaud et le très froid.
Le froid, c'est le monde d'Emma Lynwood, qui a hérité de la responsabilité du transport de la cocaïne jusqu'en Italie, à la mort de son père (interprété par Gabriel Byrne - vu récemment dans la série Canal+ La Guerre des Mondes, dans En Analyse, et dans le mythique Usual Suspects). Peu bavarde, d'apparence sévère et froide, elle ne laisse pas de place à la douceur ou la sensibilité. Le monde dans lequel elle évolue depuis tant d'années lui a appris à ne rien dévoiler de ses émotions, qui n'ont rien à faire dans les affaires, et encore moins quand celles-ci sont liées au monde dangereux de la drogue. Ce dernier étant surtout réservé aux hommes, il lui demande de fournir d'autant plus d'efforts pour en imposer.

Manuel, à la tête de son armée de soldats mexicains, c'est tout le contraire. Il avance dans un monde chaud et coloré, qui inspire plus la notion de vie, et avec elle celles de la passion, de la fougue et surtout de la violence. Et cela se ressent dans les décors.
En digne maître de la violence, il est plutôt amusant de voir que l'esthétisme qui l'entoure, et donc le caractérise, n'est pas sans nous rappeler la photographie signature de Nicolas Winding Refn. Réalisateur de Drive, Only God Forgives ou encore The Neon Demon, ces films particulièrement violents offrent en effet des esthétiques ultra léchées et des atmosphères hautement colorées, où les lumières des néons dominent :

(En haut : Only God Forgives / The Neon Demon / Drive - En bas : ZeroZeroZero)
Number 3 : Trois modèles qui servent un même système
Cette série est intéressante car elle nous fait découvrir ce monde impitoyable à travers trois prismes différents : les fabricants, les transporteurs et les acheteurs.
Ils n'ont pas le même rôle, ni la même temporalité d'action ni les mêmes responsabilités.
Mais ce qui les sépare le plus sont les modèles d'organisation de leurs business.
Au Mexique, aux Etats-Unis ou en Italie, ils n'ont en effet pas les mêmes cultures, pas les mêmes codes, et ne gèrent donc pas leurs affaires de la même manière.

Au Mexique, c'est la loi du plus fort.
Armés de leur rage de vaincre, ils n'ont aucune limite pour arriver à leurs fins. Ils basent leur règne sur la violence pure et dure. On y retrouve des militaires corrompus et des milices armées qui protègent les chefs des cartels et leurs territoires. Là bas pas de succession, le seul moyen d'arriver en haut est de renverser les barons en poste pour prendre leur place. Cela semble donc être une victoire toujours éphémère, car il y aura toujours de nouvelles personnes motivées et prêtes à tout pour devenir le prochain roi de la Drogue. Ce qui domine dans ce modèle, c'est l'anarchie la plus totale, imprévisible, venant de tous bords, et dans lequel le plus petit maillon de la chaîne peut tout à coup s'imposer.

Aux Etats-Unis, c'est la loi de l'individualisme et du profit capitaliste qui prime.
On y suit une riche famille, qui n'a aucun scrupule à tremper dans des trafics de drogue pour mettre davantage de beurre dans les épinards. Loin de la misère du Mexique, il n'y a pas urgence pour ces bobos privilégiés d'accepter de participer à des affaires illégales. L'argent appelle l'argent, et même si leur vie est déjà luxueuse, ils en veulent toujours plus...
C'est une simple logique d'entreprise motivée par l'opportunité de générer du profit. C'est une question de choix et non de culture de la drogue, comme l'entretiennent les cartels mexicains ou les mafias italiennes depuis des décennies.
Enfin en Italie, c'est la loi du sang.
En effet, la drogue est là-bas une affaire transmise de père en fils, qui passe de générations en générations. Vue comme un moyen de subvenir aux besoins de ses proches, de sa communauté, de son village ou de son quartier, l'esprit est avant tout familial, tout le monde se soutient et s'y investit ensemble. Bien entendu, il a toujours été dit qu'il ne fallait pas mêler affaires et famille, mais malgré la devise, les mafias italiennes perpétuent sempiternellement ce modèle, et ce malgré les nombreuses trahisons.

Number 4 : L'éternelle trahison
Malgré des rôles bien distincts, ZeroZeroZero nous montre que chaque partie reste très dépendante des autres, tant en terme financier que pour le bon déroulement des choses.
Si le moindre accroc enraye la machine, c'est toute la chaîne qui en pâtit, et la tension peut très vite monter.
Et c'est ce point commun que la série révèle : cette prédisposition à se trahir, et ce de manière ultra violente. Co-exister dans ce monde, ou tout simplement réussir à rester en vie, relève ainsi de l'exploit.

La trahison est esquissée dans ZeroZeroZero sous une multitude de formes.
Elle peut avoir lieu au sein d'une même famille ou venir d'alliés de longue date qui ne prêtent plus allégeance aux nouvelles générations et se tournent au plus offrant.
Il y a aussi la trahison au sein des grandes institutions étatiques, comme l'armée. Certains soldats sont totalement corrompus et utilisent leur casquette de protecteur de la population comme une couverture pour veiller en fait aux intérêts des cartels en interne.
Il y a aussi la trahison envers son propre pays, en tuant des dizaines, des centaines d'innocents, pris au piège au milieu d'un règlement de comptes ou assassinés en pleine rue pour servir d'exemple, d'intimidation pour les autres cartels.

Enfin il y a a trahison envers sa propre religion. Manuel est un homme ultra-pratiquant ; sa foi est centrale dans sa vie. Il va très régulièrement assister à des cérémonies religieuses pour prier, mais ne semble même pas réaliser que ses croyances et leurs valeurs ne sont tout bonnement pas compatibles avec le mode de vie qu'il a choisi de mener.
C'est un fait vraiment paradoxal, et que l'on retrouve aussi étrangement en Italie. Egalement très croyants, les mafieux italiens n'hésitent pas non plus à commettre des crimes affreux pour régler leurs petites affaires. Comme si leur Dieu pouvait cautionner, ou du moins leur pardonner leurs péchés.
Finalement, on en vient à se demander si la drogue n'est pas leur véritable religion, qu'ils tentent de justifier ou d'excuser en allant prier, pour se racheter une forme d'humanité quasi inexistante dans leurs actes quotidiens.

Number 5 : Chris, l'exception à la règle
Chris est un des personnages qui m'a le plus bouleversée.
Il est joué par Dane DeHaan, que l'on a pu voir dans Valérian et la Cité des Mille Planètes ou encore dans le drame SF Chronicle. Et c'était une très bonne surprise de le découvrir dans un autre registre, et de voir qu'il pouvait créer autant d'émotions.

S'il me touche en effet autant, c'est sans doute parce que Chris est le personnage le plus humain de cette série, car le plus étranger au monde de la drogue et des affaires.
Atteint d'une maladie héréditaire et dégénérative qui le condamnera à terme à l'invalidité et à la mort, Chris n'a en effet jamais été inclus par son père dans leur business. Cette tentative de le ménager du stress et du danger de la profession ne fera malheureusement pas long feu après la mort d'Edward... Même si ce dernier a fait promettre à sa fille avant de mourir de protéger son petit frère à tout prix, et surtout de le tenir à l'écart des affaires familiales, Emma choisira au contraire de l'inclure et de travailler avec lui.

Mais le jeune homme n'a pas encore construit sa carapace, celle d'un monstre froid et sans émotions comme peuvent l'être Emma (parfois) et Manuel (tout le temps). Il est pourtant déterminé à faire ses preuves avec cette livraison de cocaïne, et ainsi prouver à sa soeur qu'elle a eu raison de lui faire confiance. Il est pour moi le véritable héros de cette série.
Number 6 : Manuel, la violence pure incarnée
Manuel est pour moi un personnage particulièrement intéressant car il incarne tout ce que cette série dénonce : la violence. Il est aussi terrifiant qu'il est fascinant.
C'est une machine de guerre qui n'a aucun scrupule à utiliser les gros moyens pour arriver à ses fins. Là où il passe, la mort s'abat.

La violence de Manuel peut parfois paraître totalement gratuite, mais il n'en est rien. Pour moi, cette démonstration de l'omniprésence de la violence est justement là pour dénoncer le fait qu'elle le soit réellement dans ce pays, et particulièrement chez les narco-trafiquants.
Dans le milieu des cartels mexicains, tuer ne signifie rien.
Le concept d'ôter la vie de quelqu'un est totalement banalisé, car les meurtres rythment leur quotidien. Beaucoup de choses se règlent par la mort, que ce soit pour la drogue, pour des rivalités entre gangs, pour des luttes de territoire, pour défendre son honneur, pour venger l'un des siens... On y est confronté dès son plus jeune âge.
Ce pays pauvre est déchiré par la drogue depuis tant d'années et les quartiers dirigés par des chefs de cartels puissants et armés qui sont sans cesse en guerre.
Alors cela peut sembler gratuit certes, difficile à regarder pour nous qui ne vivons pas dans cet environnement chaque jour, mais c'est justement la gratuité de la mort que la série cherche à dénoncer ! ZeroZeroZero retranscrit ainsi de manière ultra réaliste les conséquences de la drogue au Mexique et plus généralement dans le monde.

Number 7 : une mise en bouche parfaite pour Gomorra !
En conclusion, la cocaïne sera toujours la grande gagnante, et les personnes qui travaillent pour elle ses esclaves, de simples pions. Sans cesse accompagnée par une ultra-violence tragique, il n'y a jamais de trêve. Car la source du mal y réside dès l'origine, et se transmet à l'infini, éternellement, de générations en générations.
Si vous voulez prolonger l'expérience du duo Stefano Sollima + Roberto Saviano, je ne peux que vous conseiller de regarder Gomorra, qui se compose de 4 saisons, et qui est également disponible sur Canal+.

J'ai en effet d'abord commencé par Gomorra et je suis tout de suite tombée dedans, totalement addict !! Découvrir la mafia Napolitaine de cette manière était super intéressant, car elle est tout aussi documentée et réaliste, mais aussi parce qu'elle offre une expérience très jouissive. Tout d'abord parce que cette série est pleine de rebondissements, de moments de suspense et de tensions. Ensuite, parce que je suis passionnée par cette culture, par cette si jolie langue. C'était donc pour moi un vrai plaisir de me retrouver encore un peu plongée en Italie, même si cela était au coeur de la mafia et de la drogue, et de la violence indissociable de ces milieux.
ZeroZeroZero est une bonne série, mais Gomorra est pour moi encore (bien) plus réussie, et ce sans un esthétisme chiadé, sans un aussi gros budget ou un casting aussi prestigieux.
Bonne(s) Découverte(s) et Joyeuses Pâques !
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